Akin i lebhar, spectacle du Théâtre de Béjaïa

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De la musique pour conter l’émigration.
Le spectacle qui est un mixage de café théâtre et de music-hall, fait une échappée hors des formes théâtrales mises en œuvre jusque-là.
Le nouveau spectacle du TRB a épaté le nombreux public invité à la générale. Akin i lebhar, est conçu et réalisé par Bazou, à temps plein musicien, arrangeur et compositeur. Il est assisté de Belkacem Kaouane. La comédie musicale est spécifiquement jouée sur trois actes. Les départs avant-guerre vers l’autre rive, une part de la complexité du rapport avec la société d’accueil et les actuels types et motifs d’émigration.
Dans Au-delà de la mer, la chanson ne fera pas simplement dans l’habillage phonique de fond, mais articulera le développement scénique des trois grands tableaux précités. Où donc mieux puiser, pour un tel lien que dans la chanson de l’exil, dans sa charge à la fois narratrice, imagée et émotive ?
La suite scénique traduira des textes chantés par Zerrouk Allaoua, el Hasnaoui, Slimane Azem, Dahmane el Harrachi. La force de la subjugation par la métaphore de ce qui est lointain et autre, la suggestion au mouvement et à la couleur expliquent à priori ce choix. Dans le répertoire de l’autre rive, la parodie de textes chantés par Édith Piaf livre l’errance des deux personnages centraux dans la culture de l’autre. Le premier marqué par une interférence quasi permanente que composent les origines et les siens.
Le second s’essaie à une bien laborieuse intégration. Le spectacle qui est donc un mixage de café théâtre et de music-hall fait une échappée hors des formes théâtrales mises en œuvre jusque-là. La mise en scène de Yasser Naceredine établit deux espaces communicants. Ceux-ci alternent premier plan et circonstances. Dans le premier plan, le décor est planté : un café bar, qui comme connu, déroule toutes les péripéties vécues par l’immigré.
Le jeu scénique est signé Zahir Bouaziz. Il est caractérisé par les envolées lyriques des comédiens, sur différents registres phoniques, un accompagnement en live des musiciens, effacés par les lumières au coin de la scène (à la manière des souffleurs), un succédané de mouvements et de mimiques, un assortiment de couleurs. L’actualité liée aux thèmes et aux trois époques de l’histoire de l’émigration utilisera pour support la projection documentaire en arrière-plan.
La nouvelle production du TRB, outre de nous faire revisiter l’histoire de l’émigration, de goûter à un plaisir lyrique, osera un piquant d’émotion. Notamment lors de la première scène qui ouvrira sur l’instant du départ, ou la séparation du personnage principal avec son épouse enceinte marquée matériellement par l’échange d’effets personnels pour perpétuer le lien et aussi lors de la dernière scène qui saura mettre le hasard qui lui fera rencontrer son fils, ayant recouru à la harga. C’est l’histoire de deux émigrations, celle qu’on a fait venir et celle que l’on ne veut pas voir venir. Un spectacle sérieux et divertissant.
Rachid Oussada
EW 06 11 2010

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