Mes trésors… Rabah Bellili

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Mes trésors…

Mes trésors, où sont-ils donc ?

Dans une malle, dans une boîte, dans un coffret, dans une maison ?

Au bout ou au bord du chemin ?

Derrière le truc de pierraille, dans le tunnel invisible, si on le trouve un jour ?

Je vous laisse le chercher cet endroit ou  cette chose secrète plus mystérieuse que la caverne d’Ali Baba.

Alors, suivez-moi et écoutez bien.

« Sésame ouvre-toi ! »

« Oyez, oyez, amis prêtez oreilles et regardez ces merveilles que je vais vous conter et vous montrer une à une.

Il y a d’abord cette voix douce et entrainante, malicieuse et pétillante qui m’a guidé jusqu’ici au tout début avec toute sa générosité.

Il  y a dans ce lieu fabuleux des mots, des poèmes et des livres…

Il y a tous mes héros,  Djeha, Aladin et Shéhérazade.

Il y a le kanoune  qui réchauffe les cœurs, sèche les larmes quand on s’y assoit  tout autour, l’un contre l’autre, petits et grands.

Il y a la nuit qui s’étire pleine et lumineuse, joyeuse et vaste.

Il y a les contrées de l’enfance, loin, loin, aussi que loin que les sept mers et la montagne noire, réelles ou imaginaires…

Il y a les quatre saisons qui se succèdent avec leurs charmes, leurs musiques  et leurs intempéries.

Il y a les balades à cheval sur un âne ou un mulet jusqu’à la rivière et même au-delà.

Il y a le souk fascinant et tourbillonnant avec ses bateleurs, camelots, maquignons et fellahs.

Il y a le forgeron qui change les fers à tour de bras, de pinces et de clous tout le jour durant.

Il a les chemins bordés de lauriers sauvages, de buissons épineux ou ces cactus, figuiers de barbarie aux formes fantastiques tels des extra-terrestres, monstres sortis de l’univers des champs et des routes pierreuses.

Il y a ma fontaine, ombragée des figuiers juste au-dessus d’elle dans le champ de Dada El ’Hocine.

Il y a ces instants et ces lieux,  au moment où le jour déclinant, le ciel rougeoyant, avant de tirer sa révérence pour la nuit, quand les maigres  troupeaux  et promeneurs  du soir font une dernière pause pour s’abreuver.

Il y a les enfants autour de Da Bou Salah qui lui demandent chaque jour «  Qu’a mangé ton âne aujourd’hui, Da Bou Salah ? ».

Et lui qui répond mi clown mi poète de ses paroles amusantes et rimées : « Chewing goum a the kess Rabi anez’goum. »

Ou bien selon les jours son âne se régale de tant de délices : beignets et pâtisseries, mets raffinés  aux noms familiers ou  exotiques, kaa kaa, ezlabiya, el sfinge, verkoukess, seksou, el aasban, el malcaron, afteroukassoul, thé bouaajagine…

Il y les murs des maisons, les échos et les murmures indistinctes qui s’en échappent à peine.

Il y a un burnous, un burnous d’enfant, son premier burnous, celui avec lequel son père ou son oncle l’ont emmené à son premier souk.

Il y a les yeux  écarquillés des enfants qui découvrent pour la première fois ce trésor blanc et frais qui recouvre les toits, les ruelles, la place et les chemins.

Il y a cette tendresse dans la maison avec toutes ses générations.

Il y a tous ces rêves éveillés, un spectacle chaleureux, grands et petits, ceux qui disent, ceux qui écoutent, ceux qui sont là et ceux qui sont ailleurs.

Il y a ceux qui jouent à mien et à tien. Il y a ceux qui partent et ceux qui reviennent.

Il y a cette atmosphère de voyage, dans une gare, au bout du quai, au bout de la ligne, ligne après ligne, mot après mot, partir, revenir, rester.

Je n’arriverai pas à énumérer tous ces trésors.

Je les ai toujours avec moi mes trésors, que de petits riens en ma mémoire qui parfois  vagabonde et se  nourrit de l’instant.

Rabah BELLILI

«Mes trésors »
Le mardi 29 janvier 2019

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