Virée à Zounina. Une forteresse sans fortune

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878483814653-1104315924878-1136145141-30369631-5910500-n-jpgReportage réalisé par L. Beddar

Zounina est un village qui reflète bien le paysage fabuleux de Kabylie, appelé aussi la perle de Seddouk du fait qu’il ressemble à une forteresse sans fortune pétrie d’histoire, où les notables nommés démocratiquement appliquent à la lettre les valeurs léguées par les ancêtres, telles que la solidarité, l’entraide et la discipline.
Ses maisons bâties l’une mitoyenne de l’autre, à les voir de loin, elles ressemblent à une grande maison, évoquent les valeurs sociales d’antan qui caractérisent une vie communautaire idéal qui n’existe qu’en Kabylie. Ce sont particulièrement les visiteurs, se rendant au cœur de ce village, qui admirent son ancien bâti plein d’émotions, ses paysages merveilleux auxquels s’ajoute l’admiration de ses habitants qui accueillent chaleureusement avec sympathie qui lui font une publicité d’un village à ne pas manquer de visiter. Récit d’une à Zounina. Rendez-vous est pris avec M. Inchallalen Mustapha, habitant du dit village et vice-président de l’APC qui nous a attendu le jour «J», près du portail du siège de la municipalité pour nous prendre à bord de sa Kango et nous emmener à son village, nous servant de guide par ailleurs. Empruntant la route reliant la ville de Seddouk au village de Takaâtz via Mikouchadhen, la chaussée est totalement dégradée à certains endroits et notre guide, connaissant bien son mauvais état, roule à 20 kms à l’heure. En sortant du village Takaâtz, la route menant à Zounina est bitumée mais le manque de caniveaux sur les côtés fait que les eaux des pluies ruissellent sur la chaussée, la fissurant à certains endroits. Les talus sont jonchés d’herbes folles qui commencent à se faner. Ce qui attire le plus ce sont les beaux paysages qui s’offrent à nos yeux. On s’est arrêté un moment pour descendre de la voiture et contempler le panorama qui dépayse la vue. D’une vue imprenable sur la vallée de la Soummam, d’Ouzellaguen à Sidi Aïch, sur le lit de l’oued un filet d’eau ressemblant à un serpent de fer zigzague et scintille aux rayons du soleil. La pénétrante qui passe à l’abord de la rivière est située à un jet de pierre de Zounina, un village tournée naturellement vers le flanc Est de la montagne du Djurdjura, où sont disséminés des villages presque soudés l’un à l’autre. De cet endroit aussi, on a pu contempler la montagne d’Imoula et sa pinède. Continuant notre route, on a pu s’apercevoir de la construction de beaucoup de maisons sur les abords de celle-ci. En arrivant au village, nous avons traversé la Djemaâ et sur les bancs en ciment, certains villageois sont assis discutant entre eux. Mais pour notre guide, la priorité c’est l’école du village dont une partie menace de s’effondrer, selon lui. Elle est située à l’extrémité du village. En arrivant, elle avait l’air bien entretenue en la voyant de l’extérieur avec le portail et les façades extérieurs fraîchement peintes. Mais les apparences sont trompeuses, dit l’adage. En entrant à l’intérieur c’est Azzoug Lyazid, un enseignant sorti du cours pour nous montrer les insuffisances que recèle cet établissement du savoir. Il nous a montré trois classes dont les murs sont fissurés. Pour éviter les risques qui planent sur les élèves, les trois classes sont fermées et ne sont plus utilisées.

Une vue imprenable sur la vallée, Ouzellagen et Sidi Aïch

Les conséquences c’est le réfectoire, déjà exigu, qui est partagé en deux avec du tissu où une partie sert toujours de cantine avec à l’intérieur sept tables où déjeunent 41 élèves que compte cette école. La partie servant de salle de cours ne présente aucun confort pour ne pas dire que c’est un cagibi. Ce qui est lamentable, c’est la cuisine aménagée sous le balcon de l’édifice, un petit espace insalubre. Les escaliers attenants présentent un danger pour les élèves, étant dépourvus de gardes fous. L’enseignant nous a informés que c’est le logement de fonction qui a été transformé en bureaux administratifs, dont certains murs sont lézardés aussi. La cour est dans un état piteux et de surcroit au moment des pluies, lorsque des nappes d’eaux se forment et ce sont les enseignantes qui les nettoient à coup de balais pour éviter aux élèves de mouiller leurs souliers et pantalons. Il a terminé par nous faire savoir que cette école manque de clôture, en nous montrant une issue bloquée avec de la tôle rouillée. C’est une école à vau-l’eau que nous avons visitée. L’enseignant nous a déclarés aussi que les parents d’élèves ont fermé, au début de cette année et durant une journée, l’établissement pour alerter les autorités locales sur les carences qu’elle recèle.

L’école du village, un haut lieu du savoir en proie à l’effondrement

Comme une commission technique s’est rendue dans cet établissement, nous nous sommes rendus à l’APC de Seddouk où on a demandé au maire de nous dire ce qui a été fait pour cette école sinistrée. Conscient de la précarité qui caractérise cette école, il nous donnera en détails les démarches qu’il a entreprises. «On a fait un contrat avec les services du contrôle technique de la construction de Béjaïa qui a dépêché une commission qui, après examen, a rendu une expertise où elle parle de réhabilitation. Sur la base de cette expertise, nous avons saisi la direction de l’éducation et l’APW de Béjaïa. Seule l’APW a répondu à notre appel en envoyant, au début de l’année 2014, sa commission de l’éducation dirigée par Khoufage, son représentant, laquelle a établi une fiche technique estimant les travaux à réaliser à 5.000.000,00 de dinars. Celle-ci n’a pas été prise en considération et nous ignorons les raisons. Voyant que les choses n’ont pas évolué, les membres de l’association des parents d’élèves de l’école sont venus me voir au début de cette année, pour me signaler le même problème. Comme il est de mon devoir de les aider, une occasion m’était offerte de voir le wali en présence de Mme Bouiche, la présidente de la commission éducation à l’APW, alors je n’ai pas hésité à leurs faire part des carences que recèle l’école de Zounina. J’ai même sollicité Mme Bouiche pour une visite à cet établissement, chose qu’elle a acceptée», a déclaré le P/APC. Et d’ajouter : «On a été sur place et elle a demandé aux services de la SUCH de Seddouk d’établir une fiche technique. La SUCH m’a rendu destinataire de cette fiche que j’ai remis à Mme Bouiche lors de la dernière session de l’APW qui s’est déroulée au mois d’avril. J’ai un grand espoir de recevoir la notification incessamment pour engager les travaux durant les grandes vacances scolaires afin de ne pas perturber les élèves durant les cours. En ce qui nous concerne, ce que nous pouvons réaliser, on l’a réalisé, comme la peinture des façades et du portail et le drainage des eaux pluviales. On est toujours à leur disposition pour les recevoir et les écouter». Nous avons clôturé le chapitre de cette école et notre guide, Ichallalen Mustapha en l’occurrence, a continué en brossant un tableau sur les insuffisances que recèle leur village et par ricocher qui rendent difficile la vie des villageois. Il a mis en exergue le rôle joué par son village durant la guerre de libération. «Notre village était une plaque tournante des moudjahidine qui transitaient par là. Il compte un nombre important de chaouhada qui s’élève à trente cinq, dont beaucoup sont morts à la fleur de l’âge. Ils ont donné leurs vies pour que vive notre pays libre et indépendant. L’armée coloniale en s’apercevant de la contribution des citoyens de notre bourgade et pour couper les vivres aux moudjahidine, ont délocalisé les familles qu’ils ont dispersées à travers les villages environnants, entre autres Amagaz, Takaâtz. Les familles ont souffert de cette errance de 1958 à l’indépendance, période durant laquelle notre village était classé zone interdite», a-t-il déclaré. Continuant à pointer du doigt les autorités locales qui n’ont pas fait grand-chose pour améliorer le cadre de vie de la population, notre interlocuteur donnera les détails des insuffisances que recèle sa bourgade. «Je vais commencer par la route qui relie notre village à Sidi Aïch qui est dans un mauvais état et nécessite un projet de bitumage de la chaussée en urgence, car elle a l’allure d’une piste agricole. A cause de son mauvais état, nous faisons tout un détour en passant par Seddouk pour aller à Sidi Aïch, localité distante de quelques trois kilomètres environs de notre village.

Des jeunes «perdus», livrés à eux-mêmes !

Le chemin communal allant du village Takaâtz vers notre village est bitumé il y a environ cinq ans, par manque d’entretien la chaussée fissurée à certains endroits constitue un danger pour les automobilistes», a révélé M. Ichallalen qui continua dans le chapitre des insuffisances en parlant de la souffrance des jeunes livrés à eux-mêmes par le manque flagrant d’infrastructures de loisirs. «Une seule infrastructure de fortune existe dans notre village pour les loisirs de la masse juvénile. Il s’agit d’une aire de jeux de proximité réalisée en 2006. Celle-ci ne répond pas à l’aspiration de tous les jeunes, du fait qu’ils n’aiment pas tous le sport. Il y en a bien sûr ceux qui aiment lire, faire de la musique, du théâtre, etc. Donc, il leurs faut un foyer de jeunes pour créer toutes ces activités. Beaucoup de jeunes aussi aimant surfer sur la toile se déplacent à la ville de Seddouk pour le faire dans un cybercafé. A-t-on pensé a doter notre village de la téléphonie fixe de type fibre optique pour voir ces jeunes surfer chez eux de jour comme de nuit, ce qui leur éviterait d’être attirés par les fléaux sociaux qui les guettent à tout bout de champ ?» a ajouté notre interlocuteur qui a aussi révélé que leur village subit une marginalisation caractérisée par l’absence de projets communaux et c’est ce qui a poussé les habitants à mettre les mains aux poches pour financer certains projets. «Notre village figure parmi les villages les moins nantis de la commune, du fait qu’il ne bénéficie pas de projets communaux. Les villageois mettent les mains aux poches pour financer avec leurs propres moyens les projets d’envergure, comme les réseaux d’assainissement du village. A défaut du bitumage, ce sont aussi les villageois qui ont réalisé et avec leur propre argent le bétonnage de toutes les ruelles», fera savoir cet habitant du village et élu municipal. Cette visite sublime est couronnée par la rencontre avec M. Belamri Mohand Améziane, un ami de longue date. En passant près de sa ferme, on le voyait assis sur une chaise dans la cour de sa huilerie, exposé au soleil de printemps. Vite, on est entré dans la cour pour le saluer. Quelle magnifique retrouvaille ! Après les salutations d’usage, on est passé au bon vieux temps marqué par de beaux souvenirs dont on a énuméré quelques uns. On a discuté, ri et on s’est quittés dont l’espoir de le retrouver encore, car on lui a promis de revenir un jour. Zounina est un beau village de la commune de Seddouk qui mérite toute l’attention voulue des autorités locales pour sortir de l’ornière ses habitants, notamment sa jeunesse manquant terriblement de loisirs.
Reportage réalisé par L. Beddar
La Dépêche de Kabylie – 13/06/2016 
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