Amachahu… par Rabah Bellili

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Amachahu… par Rabah Bellili

Nous n’avions pas de cheminée. Les cheminées n’existaient que dans les livres de l’école.

Nous avions juste, un poêle à charbon, surmonté d’un tuyau, qui peinait à nous chauffer.

J’en frissonne encore rien que d’y penser. Elles sont terribles, les morsures du froid, qui gèlent les doigts, le nez et le corps tout entier, jusqu’au plus profond de la mémoire.

Ils sont terribles les souvenirs de ces temps là, après avoir fuit l’enfer dans nos montagnes, se rendre compte qu’ici, nous pouvions, aussi être pris comme des ennemies.

Terribles ! Terribles ! ces voix, et cris de haines insensées s’attêteront ils un jour ?

Quand, je vous dis cela, je vois le visage en larme de la bonne, dans le film, « la couleur des sentiments », qui s’approche de l’horrible femme blanche, et ses yeux plein de bonté et de beauté, lui disent avec tant d’émotions, « arrêterez vous un jour de haïr et d’être malfaisante ?

C’est vrai, ces temps étaient difficiles, comme dans tous les pays pour faire la guerre, il faut commencer par bien inventer les ennemies.

Les faire exister, sur toutes les tribunes, les travestir de tous les maux. Dire sans cesse, ces ennemis sont nos ennemis, ils sont différents de nous, il ne peut en être autrement. Ils n’ont pas le droit d’être. Ils sont différents. Ce sont des barbares. Nous allons les bouter hors de France.

Nous sommes bien loin de nos cheminées. Je sais.

Les brasiers du passé brûlent encore dans nos montagnes.

Les monstres n’ont pas tous disparus aujourd’hui.

Mais il reste aussi, toute la chaleur paisible, malgré ses souffrances, dans les yeux de ma mère.

Il reste le sourire bienveillant et protecteur de Dada L’Hocine.

Il reste le regard autoritaire, excessif et affectueux de Khaltsé Ferroudja.

Il reste l’immense sagesse, intelligence et équité, de ceux qui font la beauté de ce pays, mes maîtres et maîtresses instituteurs, professeurs, moniteurs, directeurs, la bienveillance de la guichetière du cinéma le Casino, près du marché, et de son mari, le contrôleur.

Avec toutes ces nombreuses et belles personnes, c’était tous les jours Noël.

Cheminées de décembre…

 » Je me souviens comme si cela datait d’hier  » (Mouloud Feraoun), tout autour du kanoune, Idir nous chantait, « a vava inouva », Djamal Allam, « Mara dioughal » (quand il reviendra), Lounis de sa voix posée pleine de réserves et retenues, « Amachahu « , il était une fois.
Da Slimane, lui était loin, entre les fables et les trois chiens, jusqu’au « sommeil du juste », il a chanté de tout son coeur et toute son âme, « Kabylie, mon beau pays, je t’aimerai jusqu’à ma mort ».

La nuit s’est éteinte avec le jour, les sentiments et souvenirs se consument et me réchauffent toujours et encore.

Rabah Bellili
Amachahu…
Le 19 décembre 2021

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