El-Flaye . Compte-rendu de la conférence – Achewiq, le chant ancestral

Partager

floraL’association culturelle « El-Flaye – Savoir et Patrimoine » a consacré l’après-midi du lundi 15 juin 2015 aux femmes du village invitées à assister à une conférence-chants, animée par Flora Awchems sur le thème: « Achewiq, le chant ancestral: legs des aïeux face à la modernité’.
L’association a ouvert la rencontre avec un rituel de bienvenue utilisé autrefois pour recevoir la mariée dans la belle-famille. Une invitée choisie a fait une mise en scène d’introduction avec un tamis rempli de bonbons et des arachides. Pour créer la surprise, le tamis était couvert d’un mendil (foulard traditionnel kabyle).
Pour commencer, la cantatrice a entonné trois chants du genre Adekker (chants mortuaires) pour la paix des âmes. Des vieilles et des jeunes femmes ont essuyé quelques larmes. Ainsi, d’emblée, Flora est entrée dans le vif du sujet.
Achewiq a toujours accompagné la femme kabyle dans sa vie quotidienne et traduit ses émotions. Ce chant vivra en elle du berceau jusqu’à la mort car il est, par excellence, le chant de l’existence. On retrouve ces poèmes dans tous les rites. Selon les genres et les thèmes, ils seront déclamés lors de diverses occasions.
C’est grâce au trio Amrouche que ce legs ancestral, « Achewiq izuran » (le chant des racines), issu de l’oralité, sera transcrit et révélé au monde entier.
Flora a insisté sur l’importance de préserver son patrimoine face à la mondialisation qui a tendance à tuer les cultures minoritaires. Elle a demandé à l’assistance si, au moins, elles portaient sur elles des bijoux traditionnels. Les présentes ont alors sorti chacune, qui une bague, qui une chaîne, qui un bracelet en argent comme un gage d’authenticité culturelle qu’elles portent fièrement. Ces bijoux resteront disposés sur un bendir jusqu’à la fin de l’après-midi.
Après avoir partagé quelques ichawiqen, Flora notera, par ailleurs, que ce chant relate l’histoire d’une communauté et qu’il est donc indispensable pour une société de tradition orale de se dépêcher d’en rassembler un maximum auprès des anciennes pour préserver la mémoire collective. Quelques variantes fusent de l’assistance. Spontanément, quatre femmes se sont réunies au premier rang, formant un demi-cercle, et se sont mises à entonner en chœur, autour d’une voix principale, des chants religieux et mystiques de type Adekker, typiques de la région. Certaines avoueront chanter encore dans l’intimité de leur foyer, mais déploreront le fait que l’acte de chanter soit frappé d’interdit à cause des coutumes qui empêchent la femme de s’exposer. Elle les invitera donc à les partager à travers ce genre de rencontres pour les transmettre aux plus jeunes.
Par la suite, Achewiq « Ay adrar ldi taburt » (Eboulez-vous montagnes), rapporté par Jean Amrouche en français, sera aussi interprété par Flora tel qu’il a été appris de sa mère. Une femme a parlé d’une version locale et a promis d’y réfléchir à tête reposée afin de le restituer en entier.
Pour finir, quelques noms d’auteurs de livres sur les chants traditionnels seront évoqués tels que Mehenna Mahfoufi et Youcef Nacib. Ceux de Ramdane At Mansour Ouahès, auteur, entre autres, de « Isefra n at zik  » (poèmes kabyles d’antan), et de ses filles, Nadia At Mansour et Malika Ouahès, viendront enrichir le débat sur l’héritage reçu en passation. Des extraits audio seront proposés à travers quelques variantes issues de différentes régions kabyles notamment Tigzirt, Aïn El Hammam, Ighil Ali et Maâtkas. A ce moment-là, certaines femmes donneront aussi leurs versions locales. Par ailleurs, Flora démontrera que l’on peut remettre le genre traditionnel rigide au goût du jour.
Cette rencontre conviviale s’est terminée par une collation offerte par l’association sous la baraka des anciennes qui se sont remises à déclamer leurs ichawiqen.
Le bureau de l’association

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *