Tout à côté du sentier, entouré de maquis, un olivier rachitique à l’apparence insensible et sans vie se dresse au milieu de la colline. Une présence pourtant vivante et silencieuse qui vous parle sans mots, d’un regard, votre regard.
La mémoire, une collection enfouie et intérieure d’émotions, d’images, de musiques, de parfums, d’histoires qui perdurent au delà de bien des générations.
Un regard, clin d’oeil nostalgique et plein d’amitié au porteur de flambeau, de paroles et d’identité qui vient de nous quitter: « La colline oubliée »…
Il suffit de peu de choses pour évoquer les visages, les voix, les lieux.
Je me vois dans ce paysage, cet environnement si familier.
Un village, une ruelle, des chemins pierreux et chaotiques, bordés parfois de figuiers de barbarie,
des sentiers poussiéreux et étriqués qui mènent aux champs entre les ravines.
Je vois notre maison, semblable à toutes les autres.
Le kanoune incandescent, protecteur et chaleureux, témoins de toutes les veilles, des contes, des murmures, et de la guerre juste là, dehors, devant nos portes.
Je revois notre mère. Mais d’elle je ne peux parler aujourd’hui.
Je revois mes tantes, mon oncle Dada L’ Houssine, mes cousines.
Je revois aussi tha jemaath, l’immuable cimetière, inourar ( les aires à battre ) qui disparaîtrons un jour.
J’entends toujours une fontaine chanter, Thala n’baerouth, tout à côté, ou bien un peu plus loin, de l’autre côté, Fellous.
Longtemps après, tout le monde est là, personne ne manque à l’absence.
Cheikh Ali, assis devant sa petite boutique à l’entrée du village.
Na Challa, guérisseuse des âmes et des corps prodigue avec générosité sa parole faconde et salutaire.
Da L’Mouloud et sa rutilante 403, toujours prêts à vous emmener à l’autre bout du pays, ou tout simplement à Seddouk, Tizi el Djemaa, Sidi Aïch ou L’Vgaîth.
La galerie de portraits pourrait être bien longue.
Je ne veux pas avoir l’air de faire un inventaire.
Je tourne juste des pages et relis à nouveau ces moments du passé, comme une bande dessinée.
Chacun sa colline, chacun ses visages du passé. A bien y regarder, nous nous ressemblons tant.
Tant nous avons aimé et nous aimons encore bien au delà du temps.
Ce ne sont que des images, ce sont ne que des sentiments, ce ne sont que des personnes, ce ne sont que des maisons de village, de mon village ou du tien. Cela s’appelle « la colline oubliée » pour mieux nous en rappeler.
Je sais, vous n’avez rien oublié non plus, ni personne.
Les grands hommes ne disparaissent jamais..
Les petits non plus d’ailleurs, ils sont là eux aussi, sur la colline, même si ce n’est pas d’eux que l’on conte.
Je n’ai pas pu me rendre à Ighzer Amokrane, ni à Ath Yenni.
Je ne dirai pas » Adieu », juste » au revoir ».
Rabah BELLILI
10/02/2013
Petite précision : Tizi el djemââ est un autre nom de Seddouk. Il fut t’un temps son autre nom érait Tizi n’Dib, mais cela je n’en suis pas sur. Je le tiens d »un écrivain publique qui officiait à Seddouk dans une petite baraque, un peu à l »écart au dessus de la route, en direction d’Aqvou. Il pratiquait son art avec un esprit un peu vaporeux. Et comme vous le savez, esprits et spiritueux se prisent chez nous t à distance cachée, réservée Présence feinte dont on a connaissance mais dont l’existence bienqu’ évidente et réelle dans les regards et les interdits garde dans les regards une apparence spectrale et fantomatique. Mais cela est une autre histoire. RB