Inhumation, hier, de Mohamed Benhanafi dans son village natal Sidi Athmane.
Une immense foule était présente, hier, au village des Ath Sidi Athmane, dans la commune de Ouacifs, pour l’accompagner à sa dernière demeure et rendre un ultime hommage au poète disparu, Mohamed Benhanafi, décédé, avant-hier à Tizi-Ouzou, à l’âge de 85 ans.
L’homme du peuple, l’humble et l’ami des petits gens, le poète troubadour et l’invétéré animateur radiophonique aura drainé des franges entières de la société et une pléiade de personnalités politiques, culturelles et artistiques, femmes et hommes, vieux, jeunes et moins jeunes, tous venus exprimer leur douleur quant à la perte d’un autre monument de notre mémoire, un des militants les moins « vus », mais des plus actifs et des plus désintéressés de la culture berbère, hélas parti dans cette même vague « mortelle » qui nous a ravi, il y a quelque temps seulement, le maître de la chanson kabyle, Chérif Kheddam. Le wali de Tizi-Ouzou, M. Abdelkader Bouazghi, accompagné des directeurs de la Culture et des Moudjahidine, des chefs des daïras des Ouacifs et de Beni Yenni ainsi qu’une importante délégation, était présent au village natal de Benhanafi pour «exprimer mes condoléances à la famille du défunt, mais aussi à la grande famille révolutionnaire et la famille des artistes et de la culture », a-t-il indiqué. Côté « élus » du peuple, nous avons relevé la présence des députés de la wilaya de Tizi-Ouzou, de membres des partis, d’élus à l’APW, de plusieurs présidents d’APC de la wilaya, dont ceux de la région de Ouacifs et Beni Yenni, mais aussi ceux des communes de Souamaâ et Tadmaït.
Il y avait les artistes, élèves de Mohamed Benhanafi, ou tout au moins qui ont « puisé de son savoir et de son immense répertoire poétique », comme l’ont souligné Malika Domrane et Lounis Ait Menguellet, lesquels, très peinés et très émus de cette disparition, ont insisté sur la modestie et la bravoure de l’homme qui a « tant donné au pays et à sa culture, sans rien demander ni recevoir en contrepartie » sinon cette formidable reconnaissance et le respect des siens. Il y avait également la présence de Farid Ferragui, Ali Méziane, Belkheir Mohand Akli, qui a fait le déplacement malgré le poids de l’âge et de la maladie, Lamal Hamid, Hassene Ahres. Youcef Merahi, le secrétaire général du HCA et non moins poète et écrivain était présent aussi à cet enterrement avec El Hachemi Assad, le commissaire du festival du film Amazigh, ainsi que le remarquable penseur et ancien directeur de la Bibliothèque Nationale, M. Amine Zaoui. Les collègues et confrères du défunt de la presse et de l’animation radiophonique étaient venus en grand nombre pour un dernier hommage à leur « paternel » professionnel et, aussi, rendre compte de la popularité, de l’estime et de la considération dont jouissait le poète Benhanafi auprès de sa société dont il ne s’est jamais détaché, par sa présence active et physique, depuis le mouvement national quand il a fit le serment, comme beaucoup d’autres des ses frères, « de ne rentrer du maquis qu’avec l’indépendance de l’Algérie ou dans un cercueil ». Il y avait, également, des animateurs de BRTV, de l’ENTV et de la radio nationale chaîne 2 dont Saïd Fréha. Ce dernier, pour rappel, est celui qui est venu chercher Benhanafi de sa « retraite » de plus de six ans, en 2001, pour le « replonger » dans la radio, « ma deuxième famille », comme le défunt aimait à le répétait à chaque occasion, pour l’émission ghef yiri lkanoun (autour du feu) où le poète racontait aux petits les histoires et les contes des grand-mères. Pour rappel, Mohamed Benhanafi, de son vrai nom Aït Tahar Mohamed, est né le 7 février 1927 à Ath Sidi Athmane, dans la commune de Ouacifs. Après avoir prématurément quitté l’école, il est parti vers l’ouest algérien où il a travaillé comme épicier, avant de s’installer à son compte. Au déclenchement de la révolution algérienne, il rejoint les rangs des Moudjahidine jusqu’à l’indépendance.
Après 1962, et sans avoir cherché les « privilèges » d’ayant droit, ni même demandé la reconnaissance pour « services rendus à la nation », il intègre la radio nationale d’expression kabyle qu’il n’a plus quittée jusqu’aux ultimes jour de sa vie. Il aura été le plus illustre animateur qu’aura connu cette radio, comme l’écrit Ourida Sider qui lui a rendu vibrant hommage en lui consacrant un recueil où elle a transcrit et publié, en 2008, une compilation de ses poèmes. Il est décédé, avant-hier, des suites d’une maladie qui a eu raison de toute sa témérité et de sa force combative pour l’idéal auquel continuent de rêver les siens. Sauront-ils être dignes de son combat et de son immense héritage ?
Nassim Zarouki
05 03 2012 depechedekabylie.com