Parlons voyage…

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Cela ressemble à une excursion, un voyage. N’est ce qu’un souvenir, un projet, un rêve ?
Peut être tout cela en même temps.
Auprès de mon arbre je vivais heureux.
Mais las de regarder la ronde des saisons, j’avais hâte de voir d’autres horizons.
L’herbe est toujours plus verte de l’autre côte de la colline, comme le dit si bien un dicton irlandais.
Le viatique léger et insignifiant en apparence recèle en son cœur tant de choses
profondes et en veilles qui nourriront l’âme et l’esprit bien longtemps après le départ.
Les chemins montent et descendent tout en même temps.
Les pieds connaissent bien la route. Ils ne se perdent jamais.
Le rythme et leur attention épousent toutes les voies.
Une ascension agréable, avec une sensation intérieure si enrichissante, comme on l’éprouve après tout voyage en quelque sorte initiatique.
C’est ainsi, chez nous, prendre de la distance, goûter à l’exil, se nourrir d’ailleurs, sans se laisser emporter entièrement, en gardant toujours sa place.
Et jamais, au grand jamais, n’oublier d’où l’on vient et ceux avec qui nous avons vécu parents, famille , village. Et peut être, un jour, revenir tel un prophète en son pays.
Une impression d’avancer, de saisir et de percevoir le monde si plein de mystères, de signes et de sens se dévoile à l’ombre et dans la fraîcheur bienveillante des oasis.
La lecture de la mémoire des ancêtres, les pierres des maisons, les chemins pierreux, les ravins, la sécheresse par endroits, les cultures près des points d’eau, sources ou fontaines champêtres remplissent l’atmosphère de toutes leurs réalités. Les portes entrouvertes laissent deviner et entendre le coeur des maisons.
Le soleil et son imposante présence impriment et colorent la partition de l’aube au couchant d’une symphonie de sensations qui commence dès le matin.
Ma Provence à moi s’appelle Kabylie.
Je ne dirai pas que j’en suis fier, par pudeur. C’est trop personnel. La fierté serait déplacée, indécente.
L’intimité doit rester réservée. Les sentiments parlent, s’entendent, se manifestent en silence. II n’en sont que plus expressifs et rayonnants.
Le murmure des champs à l’aurore, le brouhaha feutré du retour des bergers et de leurs troupeaux, l’indolence discrète des après midi, en disent bien plus sans éclats ni clameurs.
J’ai parcouru bien des lieux. A l’orée du voyage je fais une pause sur le chemin.
Sans m’égarer, une étoile intérieure et des paroles de sagesse m’ont accompagné, guidé et veillé dans mes périples.
A courir les pays pour quelques bouts de pain, je cherchais une sorte de richesse. J’ai fini par la reconnaître, la retrouver.
Elle était tout près de moi et ne m’avais jamais quitté partout ou je suis allé. depuis le premier jour.
D’une beauté inégalée, avec ses couleurs chantantes, des parfums simples du quotidien, avec ses paroles, ses musiques variées et ses langues différentes et qui se ressemblent tant en même temps : Thamourthiw, mon pays, Algérie, Kabylie ou je suis né.
Ce n’est pas de la nostalgie, encore moins une manière de transfigurer, d’embellir la réalité.
Est ce nécessaire ?
C’est à chacun son affaire.
Le gardien invisible de ma route, me demande tous les jours en silence :
« A l’heure du grand départ, qu’emporteras tu avec toi ?
Que laisseras tu derrière toi, mon fils ?  »
Je croyais que je n’emporterai rien, et que j’en laisserai tout autant.
Mais après réflexion je me dis que j’emmènerai avec moi et laisserai en même temps tout ce que j’ai aimé, tout ce que j’aime et continuerai à aimer bien au-delà du temps.
La persistance des sentiments ne se perçoit que d’un côté du miroir du temps.
J’emmènerai avec moi le bonheur de ce jour qui s’achève et celui de demain qui m’attend peut être.
Le voyage commence là ou il finit.
Aujourd’hui, ces quelques mots, une étape ou j’ai plaisir à vous rencontrer.
Pendant, ces quelques instants, je sais que votre esprit vagabond, attentif et réfléchi n’a pu s’empêcher d’y penser, d’entendre d’autres voix, de voir d’autres images, d’autres visages, d’autres mirages… C’est ainsi quand on voyage.
Je vous remercie, amis, d’avoir dégusté cet instant.
Nous reprendrons un thé ensemble, ou un café, un autre fois si vous le souhaitez.
Rabah BELLILI

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