Sur les traces des Aït Waghlis… Parcours de mémoire

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pont-de-sidi-aichYacine Ould Zakres. El Watan 05 05 2012
Des étapes vivantes de l’histoire locale pour un futur musée.
A la faveur du Mois du Patrimoine, l’Association Gemihab (groupe d’étude sur l’histoire des mathématiques à Bougie médiévale) annonce le lancement d’un parcours historique et culturel à travers la wilaya de Béjaïa. Cette initiative consiste à proposer un circuit de découverte du patrimoine matériel et immatériel de la tribu des Ath
Waghlis, l’une des plus importantes de l’histoire de la région. Les organisateurs veulent rendre visible un legs culturel généralement méconnu qui comprend des pièces archéologiques, un patrimoine oral riche, des traditions diverses ainsi que quelques grands noms de l’histoire, de la théologie ou de la culture.
Depuis l’Antiquité, le territoire des Ath Waghlis a connu une activité humaine dense. Des stèles en ont apporté la preuve archéologique, et notamment celles découvertes à Maloussa (Sidi Aïch) en 1968 et à Azaghar (Semaoun) en 2009. Cette présence ancienne s’est prolongée à travers la tribu des Ath Waghlis dont le territoire était un lieu de passage obligé à l’époque romaine (ruines signalées à Tilouacadi, El Flaye et El Kseur) et à l’époque médiévale comme en attesta le géographe El-Idrissi en décrivant les voies de communication de la période hammadite. Durant la période ottomane, cette tribu avait refusé de payer l’impôt aux janissaires turcs. Aux débuts de la colonisation française, en 1847, elle affronta les troupes du Maréchal Bugeaud entraînées et suréquipées.
En 1841, lors de la révolte de Bou Baghla, et en 1871, lors de l’insurrection nationale, elle participa activement à la résistance populaire et en subit les répressions consécutives. Connue comme une des plus importantes tribus de Kabylie, son territoire historique correspond actuellement à celui de deux daïras et de six communes. Si le village de Sidi Aïch apparaît comme une création coloniale, son implantation serait celle d’un marché hebdomadaire (mercredi) dont la tradition s’est conservée à ce jour. Les Ath Waghlis se consacraient essentiellement à l’arboriculture méditerranéenne (olivier, figuier…), et à une agriculture nourricière ainsi qu’un élevage d’appoint. A ce titre, les terres de la vallée de la Soummam étaient préservées des constructions réservées aux villages de montagne.
Des savoir-faire locaux ont été développés dans ces activités principales auxquelles s’ajoutait un artisanat.
Elle a donné deux savants reconnus dans le monde musulman et liés aux grands courants soufis : Ibn Ibrahim al-Waghlisi (XIIIe siècle) et Abdar-Rahman al-Waghlisi (XIVe s.). Ce dernier, grand théologien, a formé d’éminents oulémas parmi lesquels Muhammad al-Huwârî (Oran), Abderrahmane al-Tha‘âlibî (Alger), ‘Isa b. Salama al-Biskri, etc. Cette grande tradition spirituelle s’est fondée sur le développement de zaouiyates prestigieuses où venaient apprendre les enfants de Béjaïa, Constantine et autres cités algériennes. Jusqu’au XXe siècle, cet enseignement s’est poursuivi en incluant même des membres de l’Association des Oulemas.
La tradition des lettrés se poursuivit dans les temps modernes avec des intellectuels et des militants de la cause nationale de renom, tels Abderrahmane Djemad, Ahmed Hadj Ali, Dr Aïssani Ahmed Ben Ammar, ou Mohand Cherif Sahli, auteur dès 1947 d’ouvrages remarquables comme Le Message de Yughurta, L’Algérie accuse. Le calvaire du peuple algérien et Décoloniser l’histoire. Introduction à l’histoire du Maghreb. On y compte aussi une des grandes figures mondiales du mouvement anarchiste, Saïl Mohamed Ameziane qui poussa ce mouvement vers la lutte anticoloniale. L’histoire de la guerre de Libération nationale n’est pas en reste chez les Ath Waghlis qui s’engagèrent massivement dans les rangs de la révolution armée et en payèrent un prix fort.
Aujourd’hui, à partir de ce circuit historique, ses organisateurs veulent développer la connaissance et la visibilité d’un patrimoine historique riche partagé avec les tribus voisines (Ath Mansur, Ath Amar, Ath Yemal, Fenaïa, Imsisen, Ouzellaguen, Ath Jellil…) en vue de fonder un Musée national du Patrimoine et de la Société de Kabylie. L’organisation de ce projet a mobilisé des institutions et associations dans un esprit de partenariat motivant. Parmi elles : la wilaya de Béjaïa et sa direction de la Culture, le musée Bordj Moussa, six APC (Sidi Aïch, El Flaye, Tinebdar, Tibane, Souk Ou Fella, Chemini), l’association Ciné Plus, la Bibliothèque d’El Flaye, des associations locales (comités de Tala Taguth, Taghrust, Izzaruken, Sidi el Hadj Hassaine, Imaghdassen, Tiklat et Ikhulaf n’Ath Waghlis).
Infos : Laboratoire LAMOS, Université de Béjaïa. E- mail : lamos_bejaia@hotmail.com. Sites : www.gehimab.org et www.ath-waghliss.com
Yacine Ould Zakres

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