Avoir 20 ans dans les maquis est le journal de guerre d’un combattant de l’ALN de la Wilaya III (Kabylie) entre 1956 et 1962.
Né en 1938 à Aït Oughlis (Sidi Aïch), l’auteur remarque, alors qu’il est à peine âgé de 3 ou 4 ans, qu’il y a trop de différence entre les enfants des colons français et les Algériens : «Dans notre douar des Aït Oughlis, les enfants que nous étions étaient sensibles à tout ce qui touchait notre pays… Nous avons pris conscience de cette différence qui nous opposait aux Français… de leur opulence qui côtoyait notre misère… Lorsque les adultes nous emmènent au marché hebdomadaire de Sidi Aïch, nous sommes étonnés de voir les jeunes Français bien habillés, propres et rayonnants, nous sommes tout aussi étonnés de voir que la famine ne les a pas touchés.» (page 13).
Enfin, c’est parti !
Au début des années 1950, l’auteur se trouve à Alger (Belcourt) où il vit avec son père. Un jour, il tombe sur la une de la Dépêche de Constantine où il lit : Attaques dans les Aurès, l’Algérois, la Kabylie et s’exclame : «Enfin, c’est parti !» Dans les rues, à la veille du déclenchement de la guerre, la tension est palpable : «Je remarquais que quelque chose avait changé à Alger. Les patrouilles défilaient par intermittence. Les Algériens se sentaient désormais concernés par ce qui se passait. A travers les discussions discrètes, on sentait que chacun avait un rôle à jouer…» (p.22). Le jeune homme prend contact avec le FLN. Il veut prendre les armes contre l’ennemi. En attendant, les combats font rage en Kabylie. «Les premiers actes de sabotages dans les Ath Oughlis avaient eu lieu tout au début de 1955 il s’agit de la destruction des poteaux téléphoniques et de la voie ferrée à Sidi-Aïch-Takriet. En juillet de la même année, le matériel des travaux publics a été détruit à Tighilt…»
La rencontre avec Amirouche
A 18 ans, Djoudi se retrouve au maquis. Nous sommes en octobre 1956. Pendant 6 ans, il combattra l’ennemi auprès de ses frères d’armes frisant souvent la mort. Il rapporte avoir été très impressionné par sa rencontre avec le Colonel Amirouche. «Je fus frappé par la forte personnalité d’Amirouche… Très agile et dynamique, il était constamment occupé à recevoir des responsables, à les réunir, à donner des instructions et à dicter du courrier» (p. 65). Le chef de la Wilaya III était connu pour sa sévérité, mais savait aussi se lâcher, d’après l’auteur. «Il aimait plaisanter avec les hommes… après chaque coup d’éclat, il aimait dire : «Lacoste ne dormira pas ce soir à cause des mauvaises nouvelles qui vont lui parvenir ».» Ou bien, pour taquiner un djoundi, il lui dira qu’à «l’indépendance, il fera de lui un bachagha».(p. 66)
Le Moustachu de Djurdjura
Bref, l’ancien combattant revient par le menu sur ces 6 longues années au «djebel», avec ses hauts et ses bas. Il évoque, par ailleurs, le souvenir de l’un de ses comparses, accro à Radio Tizi-Ouzou. Ce dernier avait trouvé un subterfuge pour passer des décida ces sans se faire démasquer. «Mohand Arabe – Moustache – était bon vivant, toujours gai et quelque peu philosophe. «Oubliant qu’il était au maquis, il écrivait à l’animateur de Radio Tizi-Ouzou pour dédicacer des disques à ses compagnons maquisards ! Et de la part du «Moustachu du Djurdjura» s’il vous plaît ! C’était un vrai phénomène !» p. 289). Au cours de son parcours au maquis, Djoudi Attoumi assuma plusieurs responsabilités au sein du FLN et de l’ALN. Promu officier en avril 1961, il est affecté dans la vallée de la Soummam dévastée par l’opération «jumelles» et accomplit son devoir jusqu’au cessez-le-feu, le 19 mars 1962. Après l’indépendance, il assuma les fonctions de directeur des hôpitaux jusqu’en 1985, date à laquelle il est élu à l’Assemblée populaire de la wilaya de Béjaïa jusqu’en 1990. Il est l’auteur d’une biographie intitulée Le colonel Amirouche entre légende et histoire.
Sabrinal
Avoir 20 ans dans les maquis,
de Djoudi Attoumi, Ryma éditions,
2010, 413 pages, 400 DA.